Troisième président du club cette saison, Yoann Brigante a pris ses fonctions en janvier 2024
Crédit photo : Lucarne Grenat @Mathéo Salgado

Brigante : « Il faut que le niveau global de la ligue monte »

Yoann Brigante est Président du Servette FC Chênois Féminin (SFCCF). Sandy Maendly, ancienne joueuse du club (2018-2022), en est désormais directrice sportive. Il et elle nous confient leur vision pour l’avenir de la meilleure équipe du pays.

On retrouve nos deux interviewé·es à la Fontenette, en marge d’un entraînement du SFCCF, à l’aube de la double confrontation contre Young Boys, en demi-finales de play-offs. Cadres du club depuis la pause hivernale, on leur a demandé si le SFCCF est la meilleure équipe de Suisse. Affirmatif pour le Président, alors que la Directrice Sportive rappelle que chercher le titre reste très compliqué, malgré les qualités évidentes dans le contingent grenat. Et pour cause, cette saison a révélé une concurrence plus diversifiée. Pour Yoann Brigante, « c’est une bonne chose, il faut que le niveau global de la ligue monte. C’est la démonstration qu’il y a un intérêt qui se développe pour le football féminin ».

Le binôme s’accorde sur le potentiel de grandes compétitions comme l’Euro, qui aura lieu en Suisse l’an prochain, de renforcer encore davantage cet intérêt pour le football féminin. Pour Sandy Maendly, « on sera la vitrine, donc à nous de mobiliser ». Un rendez-vous qui mettra les projecteurs sur le SFCCF, dans un contexte où les autorités fédérales peinent à s’accorder sur l’investissement financier dans l’organisation de la compétition. Pour Sandy Maendly, « peut-être qu’ils sous-estiment l’ampleur de l’événement », même si elle n’a aucun doute sur le fait que l’enveloppe budgétaire initialement accordée sera maintenue. Aux yeux de Yoann Brigante, si l’opinion publique est effectivement en train de changer, « plutôt que ce que le Servette peut amener à l’Euro, j’ai envie d’imaginer ce que l’Euro peut amener au Servette ». Avec des enjeux très concrets en coulisses.

Au SFCCF, comme ailleurs en Suisse et au-delà, on rêve de la professionnalisation. Pour le Président, « on aimerait bien pouvoir être un club qui n’est pas que formateur, et offrir aux joueuses et au staff de vraies opportunités de développement de carrière ». La Directrice sportive acquiesce : « le club a mis les moyens ces dernières années, avec un staff qui est entièrement professionnel, et des joueuses qui peuvent se concentrer uniquement sur le football ». S’il est donc techniquement possible de vivre du football à Genève, ce n’est pas une panacée, et l’attractivité du championnat en pâtit. Car la professionnalisation dépend aussi de la qualité des infrastructures : selon Sandy Maendly, le SFCCF accuse dans ce domaine un retard certain sur d’autres clubs suisses, sans parler de clubs à l’étranger. « Avoir un centre sportif en mains du club serait le minimum, ce serait donner aux joueuses le respect qu’elles méritent par rapport à leur investissement ».

Même son de cloche du côté de la présidence : « l’idéal, ce serait qu’on ait un pôle Servette global, avoir la même forme de stabilité que pour l’équipe masculine ». Mais Yoann Brigante comprend également que le territoire genevois est petit, ce qui complique la recherche de solutions également côté masculin. « On reste malheureusement parents pauvres de ce sport ». Pas de quoi démoraliser le SFCCF, qui a en particulier pu garantir la présence de son académie au centre sportif de Sous-Moulin aux Trois-Chêne. On rappelle la signature d’un premier contrat pour Muratovic, Wallin et Laubscher, issues de cette académie : de quoi annoncer un avenir radieux pour les talents locaux ? Sandy Maendly rappelle qu’elles s’entraînaient déjà régulièrement cette saison avec la première équipe. « On est un club assez jeune, l’académie encore plus, donc forcément ça met du temps avant que les premiers fruits tombent, mais il y a beaucoup de qualités sur le canton ».

Maendly : « On est peut-être un peu trop diplomatiques »

Yoann Brigante et Sandy Maendly s’expriment sur le rôle du SFCCF, rare équipe romande dans l’élite du football suisse, et partagent leurs impressions du modèle de l’ASF et de ce championnat avec play-offs.

Il y a eu très peu d’équipes romandes en première division. Lorsque le SFCCF obtient son premier titre en championnat en 2021, c’est une attente de 44 ans qui prend fin pour la Romandie, avec le dernier titre du DFC Sion acquis en 1977. Le club grenat se verrait-il plus romand que genevois ? « Ce serait un peu prétentieux de se dire que c’est un projet uniquement genevois, c’est toute la Romandie qui doit pouvoir en profiter », répond Sandy Maendly. Elle rappelle les joueuses issues d’équipes vaudoises ou valaisannes, et de manière générale les collaborations avec les cantons voisins. Reléguée en 2022, l’équipe d’Yverdon joue désormais en LNB aux côtés de Bienne, Etoile Carouge (qui a disputé un quart de finale en coupe cette saison) et le FC Sion Féminin, qui ne réussira pas à obtenir la promotion pour la saison prochaine. À ce jour, le SFCCF reste donc la seule équipe de l’élite à l’ouest de la Sarine.

Une solitude qui a eu tendance à inciter à la prudence dans les relations entre le SFCCF et l’ASF. « On est peut-être un peu trop diplomatiques au sein de l’ASF » pour Sandy Maendly, qui estime que la fédération devrait faire preuve de davantage de volontarisme, plutôt que d’attendre qu’un consensus soit atteint. Mais des échanges ont lieu, notamment sur l’épineux enjeu des play-offs. Yoann Brigante rappelle qu’en Suisse, « Il suffit d’être 8ème pour avoir une chance de gagner le titre, ce n’est pas une prime à la constance ». Si le Président admet que ce système est connu en début de saison et qu’il faut composer avec, il relève une injustice qu’il souhaite voir réparée au plus vite. Sandy Maendly : « on a eu des discussions au sein de la fédération, avec les autres clubs. Même s’il a pu les avantager, ils se rendent aussi compte que ce n’est pas le modèle le plus juste, rien qu’en termes de planification de la saison ». Elle espère des changements dès la saison prochaine.

Dans l’immédiat, l’attention reste focalisée sur la fin de saison, et ce titre en championnat qui échappe au SFCCF depuis l’introduction des play-offs, et deux finales perdues contre le FC Zurich. Le 26 mai à Thoune, les Grenates retrouveront le même adversaire en finale. « Forcément, soulever ce trophée est l’objectif », confirme Sandy Maendly, qui espère que l’équipe continuera à faire preuve de la même régularité qu’elle a affiché cette saison. Au-delà de l’enjeu sportif, gagner une finale de play-offs offrirait certainement plus de légitimité au SFCCF pour demander des réformes. Faut-il donc qu’une équipe alémanique perde la finale des play-offs pour que le système change ? « Ce n’est pas impossible », répond laconiquement Yoann Brigante. C’est dans tous les cas une équipe romande qui en a fait les frais.

Après la belle mais difficile épopée européenne du SFCCF lors de la saison 2021-2022, au cours de laquelle le record suisse d’affluence pour un match de football féminin a été établi au Stade de Genève (12’782 spectateurices), l’Europe est-elle aujourd’hui un objectif du club ? Yoann Brigante répond avec prudence : « il faut faire avec les réalités de notre taille, c’est très compliqué d’exister dans une compétition européenne face à des clubs comme Wolfsburg, la Juventus ou Chelsea ». Pour le président, tout reste bon à prendre, pour donner une bonne image et créer des vocations, l’Europe n’étant ainsi qu’une marche dans un escalier que gravit le SFCCF. « Si l’idée n’est pas d’essayer de faire bonne figure, ça ne sert à rien d’y participer ». Mais pour que l’Europe devienne un objectif, il faut dans tous les cas que le SFCCF récupère un titre de championnes de Suisse le 26 mai.

L’ancienne internationale suisse est désormais la directrice sportive du SFCCF
Crédit photo : Lucarne Grenat @Mathéo Salgado

Article rédigé par Diego Esteban

Publié le 21 mai 2024 à 00h50

Article rédigé par
Diego Esteban

Publié le 21 mai 2024 à 00h50

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